Rarement
couple ne fut aussi uni, tant à la vie qu'à la scène.
Depuis près d'un quart de siècle, Fred Chichin et Catherine
Ringer, alias les Rita Mitsouko, promène un son rock déjanté
et ludique sur toutes les scènes d'Europe. Découverts en
1985 grâce au tube Marcia Baïla, les deux complices
ont depuis continué à nous faire danser et chanter avec
une musique éclectique et un look digne des cartoons les plus loufoques.
Colorés, métissés, nouveaux, uniques, hors-la-loi,
les qualificatifs sont innombrables pour parler des Rita. Un duo
de charme et de choc…..
Catherine
Ringer
Personnage
clé des Rita, la chanteuse Catherine Ringer séduit avant tout par son
image sulfureuse : ancienne actrice de porno, artiste contestataire et
contestée, au look provocateur, elle est avant tout une femme éprise de
liberté. De son enfance, elle garde le goût prononcé pour
l'indépendance. Elle naît à Suresnes le 18 octobre 1957 d'un père
peintre, d'origine israelo-hongroise, déporté durant la guerre par les
nazis, et d'une mère architecte. A treize ans, elle quitte ses parents
et son frère pour vivre avec son amant. Mature et déterminée, la jeune
Catherine passe ses années entre la Fac et le Théâtre, pour lequel elle
a des dispositions. Un autre art, bien moins valorisant, l'attire
cependant à l'aube de ses vingt ans, sou sl'influence de l'homme plus
âgé avec lequel elle vit. Elle tourne dans quelques films pornos que
les éditeurs mercantiles s'empresseront de ressortir dès 1985 sous des
titres évoquant le succès Marcia Baïla. Mais ce n'est qu'un apprentissage passager,
une épreuve. Comme s'il fallait toucher à tout pour connaître
la valeur de l'existence. Ainsi naît cette image de vulgarité,
de déchéance, qui collera longtemps, à tort, à
la peau du groupe. Car loin des feux de la rampe érotique, Catherine
est avant tout une artiste complète, acharnée et volontaire,
férue de danse, de chant et de littérature. C'est justement
dans un théâtre que la jeune femme rencontre Frédéric
Chichin, de trois ans son aîné. Ils ne se quitteront plus.
Frédéric
Chichin
Né
à Clichy, près de Paris, le 1er juin 1954, Fred Chichin
aura une enfance similaire. De ses parents italiens et communistes militants,
il apprend le même goût de la liberté et de l'indépendance,
qu'il exprime dès son plus jeune âge par le biais de la création
artistique. Cinéma, musique et théâtre le passionnent,
et Fred fait son école dans les voyages et les groupes de rock
éphémères. L'un d'eux, en pleine mouvance punk, le
mènera même sur la scène du Gibus, célèbre
boîte parisienne. Lorsqu'il rencontre Catherine, il en tombe rapidement
amoureux. Le couple forme un premier projet professionnel en commun, celui
d'accompagner la danseuse Marcia Moretto. Le décès tragique
de cette dernière est à l'origine de l'immense succès
du duo qui naît en novembre 1980.
Marcia
Baïla
En
duo improvisé, Fred et Catherine commence la tournée des
boîtes de nuit branchées : le Rose Bonbon ou le Gibus. Leur
répertoire se compose de plusieurs titres originaux, mais aussi
des reprises de leurs idoles : Bowie ou le Velvet Underground de Lou Reed.
Si le public " accroche " dès le début, c'est
avant tout parce que les deux jeunes gens sont différents des groupes
communément diffusés sur les ondes. Au rock jean-cuir-loubard,
ils préfèrent les tenues fluorescentes et décalées
(anorak ou bonnet) et une musique moins agressive (la France vit alors
sa période hard-rock-punk : Téléphone,
Starshooter ou Trust…).
Les Rita traversent une longue période d'apprentissage, faite de
répétitions, de tournées, de voyages, jusqu'à
ce que leur nom apparaisse dans les colonnes du fameux magasine Rock &
Folk en juillet 1981. Une récompense pour ce jeune duo. Un an après
sort chez Virgin leur premier 45 tours Minuit dansant. Suivra Don't
forget the nite, au succès confidentiel, puis le premier album
des Rita, sobrement intitulé Rita Mitsouko. Extrait de cet
opus, le titre Marcia Baïla, hommage à la danseuse
argentine Marcia Moretto, est un tube extraordinaire. Dansant et original,
musicalement riche et travaillé, ce titre n'est pas un succès
éphémère : presque quarante ans après, il reste
le morceau phare des Rita.
La
gloire
Les
fruits de cet immense succès ne se font pas attendre. Le duo est
sollicité de toute part. Jean-Baptiste Mondino leur tire le portrait
pour la pochette d'un 45 tours. Le Casino de Paris les accueille sur scène.
Et surtout les médias trouvent le groupe à leur goût
: jeunes, talentueux, déjantés, audacieux. Le couple passe
sur toutes les ondes et le clip, réalisé par Philippe Gauthier
et " habillé " par les couturiers Mugler et Jean-Paul
Gautier, est un petit bijou. C'est enfin la gloire après cinq ans
d'existence. Porté par leur titre phare, Rita Mitsouko s'exporte
bien, du Japon aux Etats-Unis. Loin de décevoir, comme c'est parfois
le cas après un immense succès, le deuxième album The No comprendo sort en 1986 et reçoit un accueil chaleureux,
tant du public de plus en plus nombreux que de la profession. Trois titres
de cette même année 1986 sont représentatifs de la
popularité et du style des Rita : Les histoires d'A, C'est comme
ça, et Qu'est-ce que t'es belle (en duo avec Marc
Lavoine). Du rock déchaîné à la ballade
amoureuse, en passant par la chanson à texte, tels sont les trois
univers parallèles du duo.
Un
style très coloré
Dès
le troisième album Marc et Robert en 1988, et ce durant la majeure
partie des années 1990, Rita Mitsouko ralentit son rythme de
production. Attirés par tous les genres musicaux, par la recherche
esthétique et le dépaysement, Fred et Catherine prennent le temps de
faire des rencontres et de mélanger les styles. Entre Le petit train et
le titre enregistré avec les Sparks Singing in the shower, il y a
parfois tout un monde. Mais ce décalage fait aussi l'apanage des Rita.
Surprendre et ne jamais être où on les attend. Plus réfléchi, plus
mature, se consacrant aussi à l'éducation des trois enfants qu'ils ont
eus ensemble (Ginger en 1984, Simone en 1990 et Raoul en 1992), le couple Ringer-Chichin confie aux meilleurs DJ du
moment la reprise de quelques-uns de leur titres. Re sort en 1990, puis
après trois ans de silence, les Rita ressurgissent avec Système D.
Moins folklorique et surprenant, l'album n'en est pas moins un disque
de grande qualité. Prêts à toutes les expériences, les Rita répondent
présents lorsqu'il s'agit de remplir la Cité de la Musique à Paris avec
de nombreux musiciens d'horizons très variés, ou d'enregistrer un album
live acoustique en direct à la télévision française en novembre 1996.
Jazz, rap, chanson française, rock, tous les styles cohabitent avec
splendeur pour créer une musique unique et de renommée internationale.
Rita Mitsouko est désormais un groupe reconnu, qui n'a plus rien à
prouver et dont le rythme de production n'obéit plus qu'à deux
impératifs : le plaisir et l'éclectisme.
La
sagesse
Cool
Frenesie, album sorti en janvier 2000, en est un bon exemple. Il est
le fruit de plusieurs années de travail et le point de départ
d'une autre tournée dans toute l'Europe. Les Rita semble enfin
avoir toucher la sagesse. Un état de grâce qui ne gâche
en rien le plaisir que l'on éprouve à les écouter,
même après de longues années d'attente. Avant la sortie
de leur nouvel album, La femme trombone, en septembre 2002 , l'on
se repasse en boucle les titres qui ont bercés la fin du vingtième
siècle : Marcia Baïla, C'est comme ça, Les histoires
d'A, Jalousie, Andy,… sont autant de mini-révolutions
dans le monde parfois bien sage de la chanson francophone. Les Rita Mitsouko
ont définitivement acquis ce grain de folie et d'intelligence qui
les rendent éternellement novateurs.
Mais
le drame survient ce 28 novembre 2007. Alors que les Rita sont
contraints d'annuler quelques dates de leur tournée, du fait d'un
mauvais état de santé de Fred, la nouvelle tombe, tel un couperet.
Chichin s'éteint le 28 novembre, d'un cancer foudroyant qui ne lui
laisse aucune chance, le terrassant en moins de deux mois. Le monde de
la chanson est en deuil et les fans bouleversés. Depuis, Catherine
Ringer continue sa carrière solo en rendant régulièrement hommage à
l'oeuvre de son mari et du duo qu'elle formait avec lui. Assurément,
les Rita ne sont pas morts.
SB 2002-2023
|