Si
l'on parvient généralement à associer un artiste
à une catégorie musicale, il n'en est rien de Michel Jonasz.
Entre blues, violons tziganes et jazz à la française,
il est un des rares à n'accepter aucune étiquette. Depuis
ses débuts en 1968, il trimbale sa voix unique et sa musique
bigarrée de scènes en scènes, d'albums en albums.
Timide, généreux, inventif, ce père de deux enfants
est avant tout un doux rêveur, dont les textes emprunts de nostalgie
et de tristesse s'habillent de joie et de couleurs. Entre Ray Charles
et Jacques Brel,
voici " la fabuleuse aventure de mister Swing "…..
Drancy,
1947
Drancy,
Seine Saint Denis, banlieue parisienne. Cette ville, tristement célèbre
pour avoir hébergé un camp de transit vers les chambres
à gaz nazies durant la seconde guerre mondiale, voit naître
Michel Jonasz le 21 janvier 1947. Issus d'une famille d'origine juive
hongroise, Evelyne et Michel, les deux enfants d'Oscar et de Charlotte
Jonasz, tentent d'oublier le traumatisme de la guerre en menant une
vie honnête et sereine. Les dimanches se passent en famille, autour
du violon tzigane de grand-père, dans une ambiance nostalgique
qui préfigure celle des Vacances au bord de la mer, son
premier succès. Enfant calme et rêveur, Michel est très
tôt attiré par les arts, peinture, dessin, musique et théâtre.
Le déménagement de la famille à Paris le rapproche
du centre culturel de la capitale et développe sa passion. Sûr
de ses goûts et fermement décidé à mener
une carrière artistique, Michel quitte l'école à
quinze ans, avec l'accord de ses parents. Malgré un penchant
certain pour le théâtre, c'est vers la musique que se tourne
définitivement le jeune homme. Mais alors qu'il est très
tôt bercé par les Brel,
Brassens
ou Ferré,
la révélation se fera plutôt par la découverte
de Ray Charles.
Premières
armes musicales
Le
roi du rythm' and blues " cartonne " avec son tube What'd
I say. Ce titre agit comme un révélateur chez Michel
qui devient vite, en moins de deux ans, pianiste et mélomane.
Son premier groupe, Kenty et les Skylarks, fondé avec son ami
Alain Goldstein, devient les Lemons et tourne dans les boîtes
de la région, en accompagnant parfois le chanteur nord-africain
Vigon. Si le répertoire des deux amis se compose principalement
de reprises de standards américains (blues et jazz), Michel ne
tarde pas à se lancer dans l'écriture, forgeant avec King
Set, son nouveau groupe, un style musical bien à lui que l'on
peut qualifier de " frenchy-bluesy ". Ainsi en 1967, Apesanteur,
le premier 45 tours du duo Jonasz-Goldstein, obtient un certain succès.
A vingt ans, Michel se sent pousser des ailes. Il quitte le groupe,
enregistre seul quelques titres, et part en tournée en Italie
sous la houlette du déjà célèbre Christophe
(Les mots bleus, Les marionettes,…). Après un premier
45 tours sous son vrai nom (Adieu la terre en 1969), Jonasz se
met en tête de découvrir le monde. Pendant un an, il erre
des Etats-Unis au Liban, emplissant son esprit de nouvelles sonorités.
Il faut attendre 1972 pour que Michel fasse une grande scène
(l'Olympia) en première partie de Stone et Charden, puis
1974 pour la sortie de son premier album. Deux titres, Super Nana
et Dites-moi, font parler de leur interprète sans que
Jonasz soit pour autant adulé par les médias et le public.
Changez
tout
1975
est l'année de la reconnaissance. Le deuxième album
obtient un succès grandissant et présage la reconnaissance
des Vacances au bord de la mer, sorti en 45 tours après
l'album. Engagé sur les tournées d'Eddy Mitchell,
de Véronique Sanson ou de Mireille Mathieu,
Jonasz promène son visage de rêveur et son style
jazzy à travers la France. Le public s'entiche lentement
de ce jeune homme original qui confirme son talent de compositeur
en 1977 avec un album plus " blues ", dont le titre
phare Du blues du blues du blues, appose pour longtemps
la signature du chanteur dans le monde de la chanson française.
Sa vie personnelle prend également une toute autre dimension
avec la naissance de son fils Florian en août 1978. Une
fille, Hannah, agrandira la famille en 1984. Jonasz décolle,
après dix ans d'attente, et comme affamé de vie
et de scène, se lance dans tous les projets à la
fois : musique (pour lui ou ses amis), théâtre (dans
une pièce de Didier Kaminka), cinéma, scène,…
Il est un artiste à part, doué et énergique,
un homme qui semblait jusque là manquer au monde culturel
français. Le public ne s'y trompe pas, qui vient nombreux
l'applaudir de l'Olympia au Théâtre de la Ville,
en passant par le Palais des Sports.
"
Les années 80 commencent "
Les
années 80 sont indéniablement les années Jonasz.
Accumulant les disques d'or, les récompenses (prix Raoul Breton,
prix Charles Cros, Victoires de la Musique,…), les tournées
triomphales (France, Belgique, Suisse, Canada,…), et les tubes
(Joueur de Blues, Lucille, La boîte de jazz, La FM qui…,…),
le chanteur timide et discret devient une des valeurs sûres de
la chanson. Outre le cinéma auquel il participe régulièrement,
la révélation de l'année 1987 viendra de son spectacle
La fabuleuse aventure de Mister Swing, qui met en scène
la vie d'un artiste, accompagné de chansons totalement inédites.
Le spectacle donnera lieu à la sortie d'un double live en 1988.
Choisissant de se consacrer plus amplement à sa vie privée
et aux autres, par le biais d'œuvres humanitaires (Amnesty International
avec Peter Gabriel, Concert pour l'Ethiopie, Sol En Si,…), Michel
Jonasz perd peu à peu de sa notoriété au cours
des années 90. Timide et réservé, il semble avoir
trouvé le juste équilibre entre la liberté de création
et la vie privée. Ce retrait volontaire a pour conséquence
sa mise à l'écart (cependant toute relative). La production
de Jonasz en ces années 90 se résume ainsi à deux
albums studio seulement (Où est la source et Soul Music
Airlines). Compilations, live, participations à Sol En Si,
rappellent cependant l'omniprésence de Mister Swing dans le paysage
musical francophone. Pôle Ouest, son premier album du "
millénaire " (son treizième en fait), passe plutôt
inaperçu. On y retrouve pourtant toute la verve d'un grand auteur-compositeur,
une ambiance intime et chaleureuse, et la maturité d'un homme
heureux.
Millénaire.
Les
années 2000 sont des années de travail intense : écriture,
enregistrements, télévision, cinéma, concerts,.... Jonasz trouve encore
le temps de créer une maison d'éditions (les éditions Michel Jonasz
tout simplement) et édite des livres consacrés au développement
spirituel et personnel. Il remplit encore l'Olympia ou le Casino de
Paris, chante dans le monde entier. Comme si cela ne suffisait pas, il
écrit et joue une pièce intitulée Abraham, qui aura un large succès, si
bien que le chanteur-acteur la représentera sur scène des dizaines de
fois entre 2009 et 2011, et en tirera un album (intitulé sobrement Abraham).
Extrêmement occupé par ses activités diverses, il faut attendre 2019
pour que Jonasz reprenne le chemin des studios et enregistre un album (La Méouge le Rhône la Durance). Chanter le blues est le dernier album paru en 2023 sur lequel Michel rend une nouvelle fois hommage au Blues.
Ayant
traversé les décennies sans perdre de son identité, Michel Jonasz reste
aujourd'hui un artiste à part de la chanson française. Le chanteur sait
habilement gérer ses multiples casquettes. A force d'expériences (TV,
cinéma, musique, écriture, théâtre,…) , il semble imprégné d'une
sérénité et d'une sagesse bienheureuses. A l'image de ses chansons,
d'une gaieté et d'un dynamisme uniques, mais cachant une grande
sensibilité et une nostalgie légère, Michel Jonasz semble atteint par
la grâce. Un artiste en suspens au-dessus du ciel…
SB 2002-2023
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