Nul doute qu'avec les années, Jehan Jonas aurait atteint la
notoriété rebelle d'un Ferré ou d'un Béranger. Résolument moderne,
voire futuriste, ce chanteur savait mieux que quiconque railler la
société, ses travers, et la misère des comportements humains. Violence,
pauvreté, politique, alcool, guerre, paix, amour, rien n'échappait à la
verve acérée de Jonas. Mais la vie, aveugle et sotte, a stoppé net le
chemin bouillonnant de cet artiste hors-norme. Né à Paris le 12 août
1944, d'une mère secrétaire et d'un père visiteur en tissus, Gérard
Bréziat grandit à Levallois Perret, dans les Hauts de Seine. Première
douleur lorsque sa mère quitte le foyer alors qu'il a deux ans, et le
laisse entre son père et sa belle-mère dans leur deux pièces
levalloisien de la rue Voltaire.
En 1958, le
Certificat d'Etudes en poche, le jeune homme rentre en apprentissage à
Ermont à la SNCF. Un métier d'ajusteur-électricien à mille lieux de ses
premières passions : l'écriture et la chanson. Alors sans plus
attendre, il donne un premier coup de pied aux conventions et devance
l'appel dès 1963. Direction Chartres et un service militaire qui lui
permettra, à moins de vingt ans, d'exercer son talent de chansonnier.
On imagine aisément le bonheur de ses camarades de chambrée face à la
gouaille anarchisante du chanteur en devenir. Lui qui manifeste déjà un
esprit vif, rebelle, et foisonnant, trouve là un public attentif.
Ses
permissions, il les passe à la terrasse des cafés avec sa guitare. Dès
sa libération, en mai 1964, Jehan possède déjà une solide expérience et
monte sur scène à la Contrescarpe, au Dom Camillo ou Chez Georges. De
gala en concerts, il croise le chemin de Ferré
et de Béart. Dès 1965 et son succès à l'examen de la SACEM, Jehan Jonas
multiplie les prestations. Il écrit sans cesse et se retrouve
rapidement à la tête de centaines de chansons. L'une d'elles, Comme dirait Zazie, devient son premire "tube" que diffuse largement France Inter et sur Europe 1 avec le soutien de Lucien Morisse.
Marié avec Laure-Françoise Gand-Cousin en novembre 1966, il devient
petit à petit une étoile montante de la chanson. Dès 1967, il multiplie
les apparations et passe même à la télévision, dans le célèbre
Discorama de Denise Glaser, qui accueillit les plus grands (Brel,
Brassens, Adamo, Nougaro, Ferré, Dutronc,...pour ne citer qu'eux).
Parrallèlement à sa carrière de chanteur, ce touche-à-tout prolixe
écrit sans répis. Sous son vrai nom ou sous divers pseudos, dont celui d'Henri De Canterneuil, il publie
théâtre, contes, romans pornographiques, essais, poésie,....
Alors
que la vie lui sourit et que le couple Jonas adopte une petite fille en
1979, le malheur s'abat sur l'artiste. Il est hospitalisé en 1980 à La
Salpétrière à Paris pour une tumeur au cerveau qui le détruit en
l'espace de quelques semaines. Conformément à ses vœux, Jehan Jonas est
incinéré. Ses cendres sont répandues sur la Seine, depuis le square du
Vert galant. Alors que le chanteur était en passe de devenir un
artiste incontournable du paysage francophone, son décès passe
quasiment inaperçu. Aujourd'hui encore, son nom n'est connu que d'une
certaine catégorie de public, malgré l'immensité de son talent.
SB 2023
|
|
BIO EXPRESS
Né Gérard
Béziat le 12 août 1944 à Paris XVIIème. Décédé Jehan
Jonas le 29 avril 1980 à l'Hopital de la Salpétrière à Paris.
Apprentissage à la SNCF après le certificat d'études. Service militaire
en 1963. Monte sur scène à Paris dès 1964. Comme dirait Zazie est son
premier tube en 1965. Mariage en 1966. Ecrit et publie plusieurs
ouvrages. Adopte une fille en 1979. Meurt d'un caner foudroyant en
1980. Un
artiste rare, si talentueux, et dont l'oeuvre, soumise à la censure,
reste méconnue.
|
|
|