Née dans le ruisseau.
"C'est nous les mômes, les mômes de la cloche,
clochards qui s'en vont sans un rond en poche,
c'est nous les paumés [...]
qui sommes aimés un soir n'importe où..."
(Les mômes de la cloche 1936 Vincent Scotto-A.Decaye)
C'est sous cette image populaire que Piaf apparaît au grand
public. La légende veut même qu'Edith Giovanna Gassion
(son vrai nom) soit née dans la rue, sur le trottoir du 72 rue
de Belleville à Paris, sur la pélerine d'un policier, le
19 décembre 1915. Elle semble vraisemblablement avoir vu
le jour à l'hôpital Tenon, mais il n'en faut pas plus pour
que colle à la peau d'Edith cette image "populo".
Edith a la vie d'artiste dans le sang : son père Louis,
qui est à la guerre, est contorsionniste, et sa mère Annetta,
d'origine italo-kabyle, est chanteuse de rue. Edith grandit entre
ses deux grands-mères, dont l'une tient un bordel dans l'Eure,
à Bernay. Puis après la guerre, son père, engagé
dans un cirque itinérant, embarque sa fille avec lui. Trottoir,
cirque, chanson, bordel, quelle singulière enfance !!
Des débuts forcés.
C'est pour aider son père au cirque que la jeune Edith commence à pousser la chansonnette. Alors que ses parents divorcent
et qu'une demi-soeur, Denise, naît en 1931 du remariage de
son père, Edith continue la chanson de rue.
A 17 ans, elle rencontre Louis Dupont dont elle tombe enceinte.Mais
Edith, née "dans la rue", voit commencer pour elle une longue vie de
défaites amoureuses et de malheurs. Le premier de ses malheurs est le
décès de Cécelle (Marcelle), née le 11 février 1933, sa fille, morte en
1935 d'une méningite. Entretemps, et ce pour se guérir de sa séparation
d'avec P'tit Louis, Edith, mauvaise mère, fréquente la racaille
parisienne, truands et marlous. A 20 ans, la voilà seule, orpheline en
quelque sorte, au bord de la déprime, de la pauvreté, de la drogue et
de la prostitution.
La lumière...et l'ombre revenue.
Un soir de 1935, ellle rencontre Louis Leplée, gérant
d'un établissement de spectacle très en vogue. Séduit
par la jeune femme, il l'invite à chanter quelques titres chez
lui, dont Les Mômes de la cloche
de Scotto. C'est aussi Leplée qui trouve à Edith son surnom de Môme
Piaf, afin d'illustrer la petite taille de la chanteuse. Son passage au
Gerny's est un succès: Chevalier lui-même, ainsi qu'un certain Jacques
Canetti sont subjugués. Canetti lui fait passer sa première séance
radio et lui fait enregistrer fin 1935 son premier disque. Mais malgré
son succès naissant, la rue la rattrappe. Avril 1936 : Leplée est
assassiné, vraisemblablement par les "protecteurs" d'Edith. Celle-ci
passe de mauvais moments avec la police. Les journaux se régalent de ce
fait divers.
Le renouveau.
Grâce à Raymond Asso, rencontré quelques temps plus
tôt, Piaf sort de la galère. Il lui fait enregistrer
en janvier 1937 le titre Mon légionnaire. Raymond
et Edith deviennent amants. Plus question alors pour elle de vivre
une vie de débauchée. Un seul mot : le travail. Et le travail
paye. L'ABC accueille la chanteuse sous son nouveau nom de scène
: Edith Piaf. Elle cotoie les Mireille et les Trenet,
tourne dans toute l'Europe. La guerre sépare Raymond et Edith,
et celle-ci se jette dans les bras d'un débutant : Paul Meurisse.
Puis le quitte pour Michel Emer, qui lui écrit L'accordéoniste
et Le disque usé.
Piaf et la vie culturelle.
Devenue une institution, elle rencontre le tout Paris : Breton, Cocteau
(ils mourront le même jour !),... Mais la guerre la fait fuir. Jusqu'a
la fin 1942, elle tourne dans la zone libre. De tournées
en amants, la guerre passe. Puis vient la libération. Piaf n'a jamais cessé de chanter, de Paris à Berlin. En 1944,
elle fait chanter et devient l'amant d'un certain Yves
Montand, alors inconnu. Puis en 1946, elle écrit
un des titres qui feront le tour du monde : La vie en rose.
Paris New-York.
Fin 1947, elle embarque pour New-York ! Elle y rencontre
Marlene Dietrich, et surtout le boxeur Marcel Cerdan. Ils
deviennent amants, les "meilleurs amants du monde".
De Paris à New-York, entre un concert d'Edith et
un combat de Marcel, leur amour prend force. Mais le malheur rejoint
encore Edith, qui perd son amant le 27 octobre 1949,
dans un accident d'avion. Pour lui, elle écrit L'hymne
à l'amour, mais la vie ne sera plus jamais comme avant. 1950 : si elle retourne à New-York, c'est pour y
chanter. Elle s'accompagne d'Eddie Constantine, son nouvel
amant, et d'un secrétaire, un certain Charles
Aznavour (qui, lui, ne sera jamais son amant).
Piaf en plein travail (AFP
Lopez)
Sa
tombe au Père Lachaise à Paris (S. Brumont).
La p'tite Lili.
De retour à Paris en 1951, Piaf travaille à
imposer une comédie musicale La p'tite Lili, avec Eddie
Constantine et Robert Lamoureux. La pièce a un certain succès.
Mais de maladies en accidents, Edith tombe dans la drogue (la morphine
tue la douleur). Peu à peu, sa vie s'enfonce dans la déchéance.
Côté scène, elle obtient toujours le succès,
que ce soit avec Jezebel (écrit par Aznavour),
ou Je t'ai dans la peau (de Pills et Bécaud).
Pills, auteur célèbre outre manche, entre deux amants, deviendra,
par défi, le mari d'Edith en l'épousant le 29 juillet
1952. Ils s'installent au boulevard Lannes à Paris, appartemennt
que la chanteuse gardera jusqu'à sa mort. La complicité
du couple est aussi professionnelle : ils chantent et jouent ensemble
(dont Le bel indifférent de Cocteau).
Toxico Piaf.
Mais Cerdan a détruit, par son absence, la vie d'Edith.
Elle suit en 1953 une première cure de désintoxication.
S'en suivent des tournées, New-York, Mexico, Rio, Paris, et de
longs voyages pour oublier. Si elle est une star internationale, sa vie
reste une succession d'échecs. Ainsi divorce-t-elle de Pills en 1956. Comme à son habitude, Edith se plaît
à "élever" les hommes, à les prendre en
main et à en faire des stars. Un certain Jo, Georges Moustaki,
n'échappe pas à la règle. Il devient son amant et
débute dans la chanson. Ensemble, ils ont un grave accident de
voiture en 1958 , accident qui ne fait qu'empirer l'état
de santé de Piaf et sa dépendance aux produits illicites.
Ensemble aussi, ils écriront Milord, un autres grands succès
d'Edith.
La chute.
Début 1959, alors qu'elle triomphe une fois de plus à
New-York, elle s'effondre sur scène. Les opérations se suivent.
Piaf n'est plus qu'une femme en sursis. Elle rentre à Paris
en piteux état, sans Moustaki qui l'a quittée entretemps.
Malgré son état de santé, elle triomphe en 1961
à l'Olympia,
devant le tout Paris. La fin de sa vie est difficile. Les hommes de
talent se succèdent pour lui écrire des chansons (Francis Lai, Charles
Dumont,etc...) et elle tombe amoureuse d'un certain Théo, Théophanis
Lamboukas, dit Theo Sarapo, qu'elle épouse le 9 octobre 1962 à Paris.
Le mariage est bidon, l'artiste est finie, droguée, épuisée, malade.
Quelques concerts l'achèveront.
En convalescence près de Grasse, elle y meurt le 10 octobre 1963,
et est ramenée en douce à Paris où sa mort est officialisée
le 11 octobre, le même jour que le décès de Cocteau,
son ami. Elle est enterrée au Père Lachaise devant une foule
immense.
Eternelle,
Piaf est sans aucune doute l'artiste féminine la plus admirée. Le mythe
est ranimé en 2007 avec la sortie du superbe film La môme avec Marion
Cotillard.
"Le jour où je ne chanterai
plus, je mourrai."
Edith Piaf
octobre 2001-mai 2023
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