Comment s’imposer dans le milieu exclusivement
masculin de la musique afro-américaine quand on est
une jeune française de dix-huit ans d’origine
marocaine ? C’est pourtant le défi
qu’a relevé la jeune Wallen en seulement quelques
années. Prenant exemples sur ses modèles américains
(Aaliyah, Lauryn Hill, Beyoncé, Destiny’s Child,...)
elle est restée pendant quelques années la porte-parole du R’n’B à
la française. Retour sur une carrière en forme
de combat...
Issue
de la banlieue parisienne, trop facilement assimilée
aux clichés « violence drogue immigration
», la jeune Nawell voit le jour le 23 janvier
1978. Si elle grandit à Bobigny, sa famille
la préserve pourtant de la rue et développe
en elle une éducation musicale colorée.
Entre la musique moderne qu’écoutent
ses aînés (rap, funk,...) et les instruments
classiques joués par ses sœurs (violon,
banjo, chant classique,...), la jeune fille se construit
un riche répertoire.
A huit ans, elle est inscrite au Conservatoire
où elle excelle au violon. Passionnée aussi
de chant dès le plus jeune âge, elle prend ses
distances avec la musique classique pour découvrir,
à l’adolescence, la musique américaine
contemporaine.
Commence alors un apprentissage du Funk,
du Hip-Hop et du R’n’B, peu écoutés
alors en France. Lors d’une soirée parisienne,
elle est vite remarquée par un programmateur musical
et invitée sur scène. Le charme de sa voix opère.
Mise en contact avec le rappeur Sulee B Wax, elle intègre
son écurie Mafia Underground et entame une carrière musicale.
Ce dernier lui permet d’enregistrer quelques morceaux,
fortement influencés par l’idole de la jeune
chanteuse, Aaliyah. Parallèlement, elle poursuit ses
études et décroche son baccalauréat en
1996 avant d’entamer des études secondaires,
qu’elle abandonne rapidement au profit de la musique.
Le
déclic se fait en 1997 avec le single Je
ne pleure pas. Alors que le R’n’B commence
réellement à percer en France, sous l’impulsion
des grands artistes américains, Wallen fait aussi
parler d’elle : Sous mes pas ou On
se reverra là-haut démontrent l’énergie
débordante de la jeune fille. Dans un monde macho
et matérialiste, elle impose ses propres règles
sans crainte. Et ça marche ! La quête
du soufre puis Celle qui a dit non, ou
Mes rêves, cartonnent dans les hits-parade.
Avec Abd Al Malik lors d'une émission télévisée.
Simplement, avec beaucoup d’émotion
et de charme, Wallen évoque jeunesse pour la jeunesse,
parlant d’amour ou dénonçant les injustices,
sociales, raciales ou sexuelles. Ses origines maghrébines
et son attachement à la religion musulmane font d’elle
un des portes-parole de la jeunesse européenne issue de l'immigration. Engagée,
elle n’hésite pas à s’exprimer à
la suite des évènements du 11 septembre pour
que ne soit pas fait l’amalgame entre les musulmans
et les intégristes. De même, on la voit s’investir
contre la poussée du Front National lors des élections
présidentielles en France.
Reconnue
enfin comme une valeur sûre de la chanson « black » en France, elle
s’épanouit. De plus, elle se marie le 6 novembre 1999 avec un membre du
groupe NAP, un certain Malik, futur Abd Al Malik. Ensemble, ils ont un premier enfant, Mohamed en février 2001. A l'automne de la même année, Wallen sort son
premier album, A force de vivre, album fort apprécié
du public et des médias, et qui devient rapidement
disque d’Or. Ultime récompense, elle est nominée
aux Victoires de la Musique 2002 pour l’album R’n’B
de l’année, et s’offre même un duo
avec Usher ! En 2004, la chanteuse poursuit sa route avec son deuxième album Avoir la vie devant soi, qui obtient également un beau succès auprès du public. Il faut attendre 2008 pour que paraisse Miséricorde, son troisième album sur lequel figure notamment un duo avec Abd Al Malik,
son mari. Depuis, Wallen se fait discrète. Ses apparitions télévisées
sont rares, et elle n'a plus enregistré de disque seule depuis
Miséricorde. Parfois apparaît-elle sur d'autres albums (Abd Al Malik,
la BOF du film Qu'Allah bénisse la France, ou des compilations). Elle
se consacre alors à ses enfants (le couple a eu entretemps trois autres
enfants, deux garçons nés en 2011 et 2014, puis une fille, Aliyah, née
en août 2020).
Laissant
plâner le doute sur un éventuel retour, encouragée par son mari (elle
se produit même avec lui sur scène en 2022 pour deux dates
exceptionnelles), la chanteuse reste une figure d'une musique
combattante et engagée.
SB 2003-2023
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