Fin de guerre en Normandie....

C'est juste avant la fin de la guerre que naît Gérard Lenorman à Bénouville, dans le Calvados. De son père, allemand, Gérard ne sait rien. En mars 2001, sur un plateau de télé, face à Thierry Ardisson, il avoue imaginer que ce père absent devait être musicien. Musicien plutôt que soldat. De toute façon, c'était un artiste, pour que le petit Gérard, élevé entre sa mère et sa grand-mère, fasse montre très tôt d'un talent de chanteur. De l'église aux soirées en famille ou entre amis, Gérard développe sa voix fine et belle. A cinq ans, il découvre la musique en écoutant Stravinski. A douze ans, il écrit sa première chanson : Le Vagabond, qu'il enregistrera des années plus tard, écrite en l'honneur d'un voisin musicien. La famille déménage à Issoire, près de Clermont-Ferrand, où il apprend la guitare et commence à jouer dans quelques petits groupes locaux. Il travaille en même temps pour gagner ses premiers sous. Petit à petit, il devient une petite star locale. Avec ses premières payes, il achète un 4 CV, qui le mènera pour ses premières vacances, en Normandie, chez sa grand-mère.

La mort et puis... la vie...

Gérard a à peine 18 ans, et au retour de Normandie, c'est le drame. Un grave accident lui fait frôler la mort. Il met un an à s'en remettre, un an pendant lequel il écrit beaucoup et découvre sa véritable passion pour le métier de la chanson. Rétabli, il part au Club Med où il fait ses premières armes de compositeur interprète. Ses compositions plaisent, et après la rencontre de Brigitte Bardot en 1968 , il lui écrit deux chansons qui lui permettront de mettre un pied dans le métier (La fille de paille et Je voudrais perdre la mémoire). Riche de ces succès, il décide d'enregistrer son premier morceau, écrit lorsqu'il avait douze ans : Le vagabond. S'en suit une tournée en première partie de Sylvie Vartan.

Le déclic et la gloire

En 1970, alors que Hair, la comédie musicale, triomphe au Théâtre de la Porte St Martin, on propose à Gérard de remplacer au pied levé Julien Clerc. Tout d'abord il hésite. Un mardi soir, il va voir le spectacle, et, devant la révélation "Hair", il s'engage le soir même et débute sur scène le samedi de la même semaine !! C'est la gloire. Les maisons de disque le sollicitent, et ses tubes s'enchainent : Il, Les matins d'hiver, Les jours heureux, Quelque chose et moi, Michèle, et surtout en 1975 La ballade des gens heureux....Pendant quelques années, Gérard Lenorman sera LE chanteur français en vue. Il tourne en France, mais aussi dans le monde entier, du Japon au Canada... Sa vie privée est également riche. Marié avec Caroline, son premier enfant, Mathieu, naît en 1974. Viendront ensuite Justine en 1977, Clémence en 1980 et enfin Victor en 1985. Au sommet de sa gloire, il lance un chanteur inconnu : Daniel Guichard. De la même façon, en 1975, à Juan les Pins, un jeune homme lui chante à la guitare un petit morceau de So far away. Il aidera ce jeune chanteur, Nicolas Peyrac, à percer dans le métier en l'invitant à l'Olympia, pour la carrière qu'on lui sait maintenant... Altruiste, Gérard produit aussi d'autres chanteurs comme Indochine en 1982 ou Imagination en 1983.

Usure et remise en question

Alors que les albums et les tubes se succèdent, Gérard ressent une certaine lassitude vers le début des années 80. Son couple s'essoufle, son métier l'accapare, l'épuise. Les modes changent beaucoup aussi. L'invasion de la musique anglo saxonne, le punk, le rock à la Téléphone, la New Wave,... autant de mouvements musicaux qui ressemblent plus à la jeunesse d'alors. Malgré les salles de spectacle remplies à chacune de ses tournées, on ressent un déclin certain de sa notoriété. Il décide de prendre du recul. Son quatrième enfant, en 1985, naît au creux de cette vague. C'est seulement en 1988 que sortira son nouvel album Heureux qui communique, mais ce n'est pas une grande réussite commerciale. Il est tout de même choisi la même année pour représenter la France au concours de l'Eurovision (remporté par Céline Dion !) et se classe dixième. Mais les années et la lassitude ont eu raison de son couple, et en 1989, il se sépare de Caroline.

Une lente mais certaine renaissance

Avec les annnées 1990, le petit prince réussit peu à peu à recoller à l'actualité. Monfort L'Amaury obtient un certain succès en 90. Une compilation le remet au goût du jour, ainsi que Il y a en 1993, son premier album studio depuis cinq ans. Tournées, enregistrement, disques d'or, le succès revient, même s'il n'est pas aussi fort que dans les années 70. Enfin, en 2000 paraît La raison de l'autre, un album riche est beau, qui pousse Gérard à remonter sur scène (Olympia en 2001). On le voit dans de nombreuses émissions TV, radio, et son site internet officiel retrace sa vie et sa carrière. C'est à cette époque qu'il ose enfin parler de sa vie privée et de son père, un soldat allemand qu'il n'a jamais connu, et de la relation conflictuelle avec sa mère Madeleine. Il raconte son histoire dans un livre paru en 2007 : Je suis né à vingt ans. En 2016, il accepte de participer à la tournée des idoles Age tendre et tête de bois, ou participe aux albums d'autres artistes (Anggun, Gilles Dreu,...). Mais il reste un artiste humble, éloigné des strass de la "jet set". Propriétaire d'une ferme dans le Perche, il vit simplement, élevant poules et vaches et cultivant ses légumes, loin du nucléaire et de l'agitation des villes. Sur les réseaux sociaux, il partage des photos de paysages lors de ses randonnées, de son chien, ou des villages qu'il traverse. En 2021, il publie son dernier disque Le goût du bonheur  dont certains titres sont écrits par Vianney, Peyrac ou Lama.

A bientôt quatre-vingts ans, Gérard Lenorman reste un homme honnête et vrai, lucide sur la société et le monde, mais sans rancoeur. Auteur de nombreux grands succès de la chanson française, il a marqué de son empreinte particulière le paysage musicale francophone. Un homme pur, dont l'apparente candeur, quoiqu'émoussée avec les années et les expériences, reste entière et touchante.

SB 2001-2023