Avec son sourire de
cheval et son éternelle jovialité, Fernandel est apparu comme
l'archétype du « niais » au cinéma et dans la chanson. Cette réduction
un peu simpliste nous fait trop vite oublier que ce grand comédien,
amateur et ami de Guitry, était un artiste aux multiples facettes,
maniant avec autant de talent et de grandeur le rire, le drame ou
l'ironie. Avec près de 150 films à son actif, sa carrière d'acteur a
vite pris le pas sur celle du chanteur. C'est pourtant en comique
troupier, sur les scènes de music-halls méditerranéens, que ce
truculent marseillais a débuté sa longue et brillante ascension.
Lorsque naît le petit
Fernand-Joseph-Désiré Contandin, le 8 mai 1903 au 72 boulevard Chave à
Marseille, son avenir est déjà tout tracé. Entre un père chanteur au
café-concert, et une mère comédienne amateur, le petit Fernand est
promis à une belle carrière. Encore plus belle que Papa puisque ce
dernier, Denis Contandin, Sined pour la scène, est en réalité employé
de bureau la semaine, et comédien le dimanche et les jours de fête.
Mais au fond de son cœur, il est artiste en permanence, et n'assure son
travail de rond-de-cuir que pour nourrir sa famille. Une famille unie,
autour de cette figure paternelle exemplaire, et qui donnera naissance
à toute une lignée d'artiste. Fernand bien sûr, mais aussi Francis, le
petit frère né en 1914 et plus tard Franck, le propre fils de
Fernandel.
Pour Fernand,
la vie d'artiste commence dès qu'il sait marcher, et qu'il accompagne
son père dans les coulisses des théâtres marseillais, voire sur scène,
puisqu'il commence sa carrière de comédien à seulement cinq ans, dans
la pièce Marceau ou les enfants de la République. Mais la révélation a
lieu en 1910 lorsque Denis emmène son fils applaudir le grand Polin,
célèbre comique troupier. A partir de ce jour, Fernand, sous la
houlette de son père et de son grand frère Marcel, né en 1899, envisage
sérieusement de devenir artiste. Après quelques semaines de
répétitions, il fait ses débuts officiels sur la scène de la Scala en
reprenant des titres dudit Polin. Il récolte ses premiers lauriers,
grâce à son numéro bien huilé et à son air coquin. Il écume alors les
théâtres alentours et apprend le métier.
En
1914, il remporte sous le nom de Fernand Sined, la seconde place au
grand concours du Palais de Cristal, et est engagé pendant huit jours
en tête d'affiche. Mais la guerre arrive et Denis Contandin est envoyé
au front. Ses fils sont chargés de subvenir aux besoins de la famille.
Dure tâche pour le petit Fernand, médiocre élève, qui ne sait rien
faire d'autres que faire rire son prochain. Il accumule les emplois,
renvoyé de l'un ou de l'autre pour son étourderie et sa paresse. Il n'y
a que pour le spectacle que Fernand donne le maximum de lui-même. Après
avoir décroché fin 1922 son premier gros contrat à l'Eldorado de Nice,
il fait une croix définitive sur tous ces petits métiers et se consacre
enfin à sa carrière sous son nom de scène Fernandel.
Marié
en avril 1925 à son amie d'enfance Henriette Manse, il doit cependant
la quitter dès le mois de mai pour accomplir ses devoirs militaires à
Grenoble. Grâce à son humour, il devient le favori du régiment et a
droit à toutes les faveurs, comme celle d'être muté dans un régiment à
Marseille, où il finit son service militaire. Le 19 avril 1926 naît
Josette Marie, la première fille du couple Contandin (elle décèdera à
plus de 90 ans le 22 novembre 2017 à Paris). Fernandel, revenu à la
vie civile, est embauché par la firme Paramount pour une tournée des
music-halls : Bordeaux, Lille, Toulouse, Nice, Casablanca… cette
tournée est le point de départ d'une carrière internationale, qui le
conduit à Paris, où il enregistre son premier disque en 1928. Dès lors,
Fernandel occupe les plus grands théâtres parisiens. Il est devenu une
vedette. Installé à Paris, il est le père d'une autre petite fille,
Jeannine Marguerite Denise, née le 18 avril 1930 (décédée à Paris le 4
janvier 2020). C'est également à Paris que débute la
carrière cinématographique de Fernandel, avec la rencontre de Marc
Allegret et de Sacha Guitry, qui l'engagent pour un premier
long-métrage Le blanc et le noir. C'est le début d'une très longue
carrière de comédien, qui le verra tourner dans plus de 150 films, tout
en respectant avec brio ses engagements sur scène. Pendant des années,
Fernandel jongle entre le cinéma, le théâtre et la chanson.
Omniprésent, il devient un des artistes français les plus populaires.
Il fréquente les plus grands : Gabin, Raimu, Tourneur,
Christian-Jacque, Duvivier et Pagnol, qui devient son ami et
l'initiateur d'une série de chefs-d'œuvre.
En
effet, les films que les deux hommes tournent ensemble font aujourd'hui
partie du patrimoine : du Schpountz à Angèle, en passant par Topaze ou
Regain, Fernandel y montre toute l'ampleur de son talent. Ce qui ne
l'empêche pas d'enregistrer les disques les plus marquants de sa
carrière de chanteur : Ignace
en 1935 , l'année de naissance de son
troisième enfant, Franck Gérard Ignace (né le 10 décembre 1935 à
Marseille et décédé le 8 juin 2011 dans la même ville), mais aussi les
tubes Barnabé en 1938, Félicie
aussi, Hector, Casimir, On m'appelle Simplet, Le tango corse ou encore
Si j'osais.
Mais la guerre est à nouveau là, dès septembre 1939. Encore
sauvé par son statut de vedette, Fernandel est dispensé du front et
reste en France. Pendant toute la durée de la guerre, il continue de
tourner plusieurs films d'importance et de qualité inégale. Il est
aussi très sollicité par l'occupant pour jouer sur scène et distraire
les parisiens, ce qui lui a valu quelques reproches. Mais à la fin du
conflit, il ne sera pas inquiété.
Il
faut attendre les années 50 pour que notre artiste entame une seconde
carrière avec la série des Don Camillo, sans doute les films les plus
populaires et les plus représentatifs du personnage Fernandel. Ce rôle
de curé, que tout oppose au maire communiste du village, a fait rire
des générations de spectateurs. Les cinq Don Camillo seront tous un
énorme succès commercial. Durant les années 50 , Fernandel tournera une
série de films de grande qualité : L'auberge rouge, Les Don Camillo, Le
mouton à cinq pattes, Ali Baba ou encore La vache et le prisonnier,
assoiront sa renommée. Son métier de chanteur est de plus en plus mis à
l'écart au profit des nombreux films auxquels il participe.
En
1969, suit eà un banal examen de santé, on lui découvre un cancer à un
stade avancé. Sa famille décide de lui taire la gravité de la maladie
pour le préserver. Jusqu'à sa mort survenue le 26 février 1971, il a
ignoré le mal dont il souffrait réellement. Fernandel est
resté un des comédiens les plus populaires du cinéma français. Un
sourire inégalable, un talent incontesté, tant dans le registre comique
que dramatique, sa gentillesse et sa candeur d'enfant, ont fait de lui
une éternelle vedette. Rares sont les artistes qui depuis, ont su
égaler son génie théâtral et son sens de la dérision.
SB mise à jour de juin 2023
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BIO EXPRESS
Né Fernand
Joseph Désiré Contandin à Marseille le 8 mai 1903. Décédé à Paris le 26
février 1971. Son père est employé la semaine et comédien le dimanche.
Premiers pas sur scène à l'âge de cinq ans. Premiers numéros de comique
troupier dès 1914. Devient Fernandel en 1922. Marié en 1925. Naissance
de sa fille en 1926. Tournée des Music-halls. Premier disque en 1928.
Est devenu une vedette. Deuxième enfant en 1930. Débute au cinéma.
Rencontre avec Pagnol avec lequel il tourne plusieurs films. Naissance
de son fils Franck en 1935. La série des Don Camillo commence en 1952.
Son métier de comédien prend le dessus. Déroule une carrière de
dizaines de films et de succès avec De Funès, Bourvil,... Décède en 1971 d'un cancer généralisé.
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Avec Bourvil dans La cuisine au beurre.
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